Tome Enders en retraite : Chez Airbus les parachutes sont de taille XXL
Tom Enders, le président exécutif de l’avionneur, fait valoir ses droits à la retraite avec un «package» de 36 millions d’euros. Cette somme ne sera pas soumise au vote de l’assemblée générale des actionnaires, car Airbus est une société de droit néerlandais.
La lecture du document de référence remis aux actionnaires d’une entreprise cotée est souvent riche d’enseignements. Celui d’Airbus l’est tout particulièrement, puisque cette année, son président exécutif, Tom Enders, quitte ses fonctions le 10 avril à tout juste 60 ans. L’avionneur européen basé à Toulouse a donc décidé de récompenser ses vingt-neuf années de présence, dont dix-neuf à la direction, de manière plus que généreuse: 36 millions d’euros de parachute doré… un quasi-record sous nos latitudes.
Dans le détail, le boss allemand d’Airbus aura en effet droit à un «package» composé de 3,2 millions d’euros au titre d’une clause de non-concurrence afin qu’il n’aille pas travailler chez Boeing, même si la probabilité est minime. En outre cette interdiction reste limitée à un an. S’y ajoutent des actions gratuites dites «de performances» attribuées entre 2014 et 2017. Elles lui rapporteraient au cours du jour d’Airbus 7,3 millions d’euros. Enfin une retraite dite «chapeau», parce que se rajoutant au régime de retraite légale, lui permettra de toucher 900 000 euros net par an. Pour cela Airbus a dû provisionner dans ses comptes la modique somme de 26,3 millions d’euros. Au total, le départ de Tom Enders coûtera donc plus de 36 millions d’euros à l’entreprise. Ce calcul a été effectué par le cabinet de conseil aux actionnaires Proxinvest. Chaque année, il scrute les rémunérations des dirigeants pour le compte d’investisseurs soucieux que leur argent ne serve pas à financer des parachutes en or massif. Bonne pioche en ce qui concerne la retraite de «Major Tom», le surnom qui a été donné à cet ancien parachutiste de la Bundeswehr.
Société de droit néerlandais
Vu du côté des syndicats ce genre de paquet-cadeau est évidemment loin de provoquer un fol enthousiasme: «Quand on met en perspective ces sommes avec ce que l’on peut annoncer comme politique de rémunération aux salariés, ça brouille le message», estime Françoise Vallin, déléguée centrale CGC d’Airbus. En France, ce type de parachute aurait pu provoquer un peu de chahut lors de l’assemblée générale des actionnaires, qui doivent désormais voter sur la rémunération des dirigeants. Seulement voilà, Airbus est une société de droit néerlandais et à ce titre, elle n’est pas soumise au droit français, qui prévoit le vote des actionnaires. Pratique.
Il faut toutefois rappeler que le précédent président d’Airbus (qui s’appelait alors EADS), Louis Gallois, a terminé son mandat sans un euro de clause de non-concurrence, ni indemnité de fin de carrière. Plus récemment le PDG de Danone, Emmanuel Faber, a quitté ses fonctions en renonçant de son propre chef à 1,2 million d’euros de retraite chapeau par an et 4 millions d’indemnités de départ.
Procédures pour corruption
Malgré tout, le conseil d’administration d’Airbus a voulu envoyer un message à Tom Enders en ne lui attribuant pas en supplément des actions gratuites pour 2018. Message pas trop douloureux au vu du parachute précité. Mais une manière de lui rappeler que sous sa présidence, le constructeur aéronautique s’est retrouvé sous le coup de trois procédures pour corruption en France, au Royaume-Uni et aux Etats Unis. Le versement de commissions à des intermédiaires, pour décrocher des commandes d’avions pourrait coûter à Airbus une amende de l’ordre de trois milliards d’euros afin d’éviter un procès qui tournerait au grand déballage. Selon des informations recoupées par Libération, il y a quelques semaines, en atterrissant à Washington, Tom Enders a d’ailleurs été retenu dans une salle de l’aérogare durant une heure par les autorités américaines. Ce traitement aurait en outre été réservé à d’autres cadres dirigeants lorsqu’ils ont mis le pied sur le territoire américain. Visiblement un signe de l’intérêt de la justice américaine quant aux affaires passées d’Airbus.
Certaines entreprises ont d’ailleurs intégré dans la rémunération de leurs dirigeants les risques qu’ils peuvent faire courir à leur compagnie. «Il existe des clauses dites de clawback [récupération] qui prévoient qu’un dirigeant devra restituer une partie de sa rémunération si son entreprise a été sanctionnée financièrement», indique Loïc Dessaint, le directeur général du cabinet de conseil de vote aux actionnaires Proxinvest. Pour le moment, néanmoins, ces dispositions restent limitées au secteur bancaire et au monde anglo-saxon.